30.09.2024

Désordres fonciers : bientôt un outil pour dénouer les situations les plus complexes

Saisi sur la question des «désordres fonciers» à Saint-Martin, le gouvernement avait suggéré l’année dernière de mettre en place un outil afin de «résoudre [ces] difficultés de titrement». Lors du comité interministériel des outre-mer (CIOM) en juillet 2023, il avait ainsi été proposé la création «d’un groupement d’intérêt public (GIP) intégrant toutes les compétences foncières» comme il en existe un similaire à Mayotte, en Corse ou en Martinique.

La Collectivité de Saint-Martin a accepté cette proposition. Ses équipes ont ainsi travaillé avec celles de l’Etat sur la constitution de cet outil. Elles ont rédigé ensemble une convention pour définir les missions, le fonctionnement, la gouvernance, etc., de ce GIP. Ce document a été soumis jeudi dernier aux membres du conseil territorial et approuvé.  Un arrêté préfectoral sera bientôt publié afin de valider la création de ce nouveau GIP nommé Agence foncière de Saint-Martin (AFSM).

Les enjeux sont grands. Aujourd’hui, de nombreux occupants de terrains ne peuvent vendre, louer, hypothéquer, bénéficier d’aides car ils ne disposent pas de titres de propriété authentiques. Il y a par exemple les situations où un terrain se trouve au cœur d’une indivision successorale bloquée, ou celles d’un fils qui  présente un acte sous seing signé par son père, stipulant que celui-ci lui a fait don de telle parcelle. Or, un acte sous seing, même correctement rédigé et signé, n’a pas valeur d’un acte authentique d’un titre de propriété.

Régulariser ces situations foncières compliquées sera l’objectif de la future agence. Ses experts rencontreront et recevront les Saint-Martinois (qui en font la demande) afin de les accompagner dans les démarches. Les experts monteront eux-mêmes les dossiers qui permettront de régulariser les situations et de les sécuriser juridiquement.

Le dossier sera ensuite transmis au notaire (choisi par le particulier) qui rédigera l’acte authentique. Il est aussi envisagé que l’Agence puisse signer à la place du notaire «certains actes pour les terrains sans titre, qui sont la conclusion de la prescription acquisitive» (après trente ans d’occupation justifiée). Le GIP de Mayotte le fait déjà. Mais pour que celui de Saint-Martin soit aussi autorisé, une modification de loi devra être apportée. Un représentant de l’Etat qui a contribué à la rédaction de la convention, a assuré aux élus que les ministères de la Justice et des Outre-mer étaient d’accord.

Cet accompagnement sera entièrement gratuit pour les citoyens. L’Etat et la COM espèrent inciter des personnes qui étaient freinées par la complexité de la démarche mais aussi par le coût financier car elles devaient faire appel à un professionnel pour les aider, à se lancer dans la procédure. Dans certains cas, notamment des recherches à l’étranger dans le cadre d’une succession, une participation financière pourra être demandée.

Les services de l’Etat estiment à une petite moitié  des terrains fonciers impactée aujourd’hui par ces situations complexes de propriété. A noter que les terrains situés dans la bande des cinquante pas géométriques, ne pourront être analysés par la Collectivité car leur régularisation est de la compétence propre de la Collectivité.

L’Agence aura une double gouvernance. D’une part une assemblée consultative présidée par le président de la Collectivité, qui sera l’organe politique et qui donnera les orientations et les priorités des quartiers à étudier. D’autre part un conseil d’administration qui sera davantage un organe opérationnel. Elle sera aussi dotée d’un directeur ou d’une directrice.

L’objectif est que l’Agence foncière de Saint-Martin soit opérationnelle au 1er janvier 2025 et que son directeur ou sa directrice puisse prendre ses fonctions à cette même date. Son coût de fonctionnement a été évalué à 500 000 euros ; il sera financé par la Collectivité et l’Etat à part égale.

Estelle Gasnet