06.06.2023

Le logement à Saint-Martin : « une bombe sociale »

Un accord de participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC)* entre la Collectivité de Saint-Martin (COM), l’État et le groupe Action Logement a été signée hier à la Collectivité entre les acteurs concernés. L'objectif principal est d'élargir le parc immobilier du territoire afin de permettre aux Saint-Martinois de se loger décemment et d’aboutir à un lissage des prix des loyers.

Louis Mussington, président de la collectivité a rappelé la situation problématique du logement sur le territoire. Saint-Martin, avec une baisse de la population qui s’établit officiellement à 31 805 habitants, s’étend sur une superficie de 53km2. La densité est six fois plus élevée que la moyenne nationale. Elle constitue l’une des collectivités les plus denses de la République française, avec une progression démographique multipliée par huit en 40 ans, soit la plus forte de France.

« En raison de sa double insularité, le coût de la construction de logements sur l’île est particulièrement élevé conduisant à des carences très importantes de logements. Par conséquent, les loyers sont deux fois supérieurs à la moyenne nationale, au regard des revenus moyens de la population. Ce qui signifie qu’il est très difficile de se loger sur le territoire », déclare le président. 

Ainsi le nombre d’occupants par logements sur l’île, soit 2,6 personnes estimées en 2018, est comparable à celui constaté à la moyenne nationale de 1884. De ce fait, le marché de l’emploi étant indépendant des conditions de logements des travailleurs, ces caractéristiques structurelles du marché de logements ont une influence également sur le fonctionnement de l’économie de l’île.

« L’aggravation de la crise du logement après le passage de l'ouragan IRMA en 2017, a fortement impacté l’économie locale », rappelle Louis Mussington. Entre 2016 et 2019, le nombre de résidence principale a diminué de milliers d’unités. Appliqué à l’échelle nationale, une telle baisse représenterait la disparition de presque deux millions de logements. « Il convient donc d’adopter des mesures urgentes dans le cadre d’un partenariat avec l’Etat et le groupe Action Logement, en faveur du développement de logements sociaux », convient-il.

Dans ce contexte, compte tenu de l’emploi des difficultés structurelles constaté en matière d’habitat local, des destructions causées par Irma, l’aggravation d’une crise de logement, menaçant à termes la cohésion du territoire, l’adaptation de mesures dans le domaine de logements et de l’emploi apparaît urgente « et s’inscrit en partenariat avec l’État dans une logique de solidarité nationale ». 

Pour Vincent Berton, préfet délégué des îles du nord, cette signature est un acte important. 1 700 logements ont été détruits par Irma, rappelle-t-il. De ce fait, aujourd’hui 3 000 logements sont estimés en manque sur le territoire. La question du logement et du logement social sur l’île, est « une bombe sociale ». « Si nous ne traitons pas cette problématique maintenant, on va vers de gros problèmes sociaux », prévient le représentant de l’État. « Il faut un choc d’offre et de logements, il faut créer. Et pour ce faire, il faut du foncier plus disponible à prix raisonnable », complète-t-il. 

Le représentant de l’État, a également tenu à saluer la compétence du logement qu’adopte la Collectivité de Saint-Martin depuis 2012, qui est compliqué mais pour autant « l’État ne peut pas se désintéresser de la question », affirme-t-il. « On doit vous aider, vous accompagner dans ce contexte très compliqué, celui d’une petite île confronté à une pression immobilière extrêmement forte ». 

« En faisant le tour de l’île on se rend compte du besoin énorme en matière de logement et d’attente de la population pour pouvoir bénéficier de logements sociaux mais aussi de logements à prix abordables », déclare Bruno Arcadipane, président général d’Action Logement. Selon lui, cette signature tripartite constitue une première pierre à un partenariat durable. 

« Nous avons voté ce matin même sur vos terres avec l’ensemble des administrateurs du conseil d’administration d’Action Logement Groupe, la nouvelle convention quinquennale qui lie Action Logement avec l’Etat, voté à l’unanimité. Aujourd’hui, tous les budgets distribués pour les cinq prochaines années, notamment ceux destinés aux ultra-marins, pour le logement sont fixés », annonce-t-il. « Un vote, essentiel mais pas suffisant car il va falloir que le ministre délégué de l’outre-mer, Jean-François Carenco, fasse bouger les lignes pour que Saint-Martin puisse bénéficier de ce fonds de péréquation et disposer de loyers extrêmement pondérés », convient Bruno Arcadipane. 

Ainsi, « il faudra très certainement densifier Saint-Martin, peut-être travailler sur des sujets techniques avec la surélévation de bâtiments etc. Le groupe Action Logement dans sa globalité apportera son ingénierie », indique le président général d’Action Logement. 

Enfin, l’État, la Collectivité de Saint-Martin et Action Logement affirment ainsi leur commune intention de mettre en place un cadre opérationnel permettant l’intervention d’Action Logement sur le territoire de Saint-Martin, au bénéfice de la population, à travers notamment des actions sociales : une aide à l'accession à la propriété, à la réhabilitation de logements et à l'accès au logement locatif. Un soutien à la construction, la réhabilitation et l'acquisition de logements. Des aides spécifiques aux personnes défavorisées. 

*PEEC : la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), plus communément appelée le « 1% logement», est un impôt versé par les employeurs sous forme d'investissements directs permettant, notamment, d'améliorer l'offre de logements sociaux et intermédiaires pour les salariés.

Siya TOURE