02.05.2023

Violences conjugales : le prévenu est "un tyran domestique, manipulateur qui use de son statut et de son pouvoir "

Jeudi dernier, le tribunal correctionnel de Saint-Martin examinait une affaire de violences conjugales impliquant un notable de la société à Saint-Martin. Comme c’est souvent le cas dans ce type d’affaire, deux versions se sont opposées.

L’accusé s’est présenté détendu face aux accusations de violences sexuelles, psychologiques et physiques de son ex-compagne et de diffusion d’images à caractère sexuel. Dès le début du procès, la défense a demandé un huis clos compte tenu de la réputation et de la profession de l’accusé. Une demande injustifiée et rejetée par le tribunal.

En octobre 2020, C.L [victime] porte plainte contre R.MM [prévenu], accompagné par l’association France Victimes. Le couple s’est rencontré en 2019, via un site de rencontres, et une histoire digne de «conte de fée» a commencé. «Je n’avais jamais connu ça auparavant. J’avais enfin trouvé quelqu’un qui voulait une relation sérieuse », confie la victime. Un mois après le début de leur relation, le couple a emménagé ensemble, « c’est lui qui a insisté pour que je vienne vivre avec lui », précise C.L. R.MM demande sa main auprès du père de celle-ci en France, puis s’en suivent des fiançailles.

Mais ce conte idyllique n’est que de courte durée selon la victime. En effet, dès les premières semaines de leur relation, le contrôle et la possessivité de l’homme s’imposent à travers des scènes de jalousie. Ce qui va mener à des comportement physiques « ponctués de violences constants ayant entrainé une ITT de cinq jours, plusieurs arrêts de travail et de la manipulation », envers son ex-compagne.

«Tous les prétextes étaient bons pour subir des violences», indique C.L. Selon elle, il était difficile de déceler la manipulation et la violence de ce dernier. «J’étais sous son emprise, je n’ai pas saisi le début des violences», ajoute-t-elle. Mais, elle explique qu’elle a dû fuir plusieurs fois à cause de ces violences mais elle revenait, «car il faisait l’ange après», explique-t-elle.

La victime raconte des scènes d’humiliations, pendant lesquelles R.MM demandait clairement à son ex-compagne de « se mettre à genoux devant lui pour s’excuser », et ainsi de la faire pleurer devant sa fille qui vivait avec eux. Au fur et à mesure que la relation se détériore, C.L fait plusieurs copies de messages et réalise 15 heures d’enregistrements. Ceux-ci ont été soumis aux enquêteurs et ont constitué des preuves et pesé dans l’affaire. Certains audios laissent entendre et comprendre des scènes de violences physiques et sexuelles.

R.MM, « choqué par ce qu’il entend à son encontre au tribunal », nie les faits qui lui sont reprochés car d’après lui, il ne serait que la victime de C.L. « C’est la première fois que je me retrouve devant les tribunaux. Je n’ai jamais été violent, c’est peut-être mes paroles, mais pas mes gestes », déclare-t-il. Selon lui, « c’était un homme battu », victime d’une femme « violente », qui souffrirait « de délire de persécution ou encore de trouble de la personnalité ». Pour lui, C.L ne s’intéressait qu’à sa profession et à son argent. « J’ai beaucoup aimé cette femme mais c’était une relation destructrice », exprime-t-il à la barre.

R.MM a également été accusé d’avoir enregistré et diffusé des images à caractère sexuel à l’insu de la victime et de son nouveau compagnon. Là-dessus, il reconnaît avoir filmé la scène mais selon lui, c’était uniquement pour «réaliser ce qu’il était en train de voir car [il] n’en croyait pas ses yeux».

Plusieurs témoignages ont été apportés au dossier dont la mère de C.L, qui indique que sa fille était « totalement sous l’emprise » de R.MM ; elle le qualifie de « manipulateur ». D’autres témoignages, diront « que c’est une histoire de cul qui a mal tourné, que C.L est une femme vénale qui n’a pas accepté la rupture ». 

A l’audience, une témoin a été appelée à la barre du tribunal. Elle a expliqué être l’ex-compagne de R.MM. Elle, aussi, aurait été victime des violences physiques, sexuelles et psychologiques de ce dernier. Lorsqu’elle lui a annoncé la décision de le quitter suite à ses violences, R.MM l’aurait mal pris et lui aurait dit « ce n’est pas possible, tu n’as pas le droit de me quitter ». Les faits remontent à 2016, et si la victime n’a jamais porté plainte c’est parce qu’elle avait « honte ». « Jamais je n’aurais pensé que ça m’arriverait de vivre une telle situation », confie-t-elle. Lors d’une émission écoutée à la radio sur le sujet des violences envers les femmes, l’émission l’a convaincue de venir témoigner, explique la témoin.

Selon la partie civile, « ce dossier à une image toute particulière dans la mesure où elle implique un notable de la société, une situation de couple assez banale et classique qui s’est dégradée avec un scénario catastrophique par la suite », débute l’avocate lors de sa plaidoirie. « Souvent dans ce type d’affaire, il y a deux versions distinctes qui s’opposent », poursuit-elle. Mais pour l’avocate, le certificat médical de la victime démontre clairement les violences physiques qu’elle a subies ainsi que les témoignages sur la relation du couple.

Dans cette affaire, il y a plusieurs facteurs objectifs pour le ministère public. Tout d’abord, les enregistrements apportés par la partie civile qui sont des éléments à charge contre le prévenu, ils témoignent « de l’absence du consentement de la victime qui verbalise un non, pendant le viol conjugal qu’elle est train de subir. Un viol requalifié en agression sexuelle en l’absence de preuves de pénétration », déclare la procureure lors de son réquisitoire.

Ensuite, selon cette dernière, l’aspect objectif et dramatique de l’histoire est la présence de la fille de C.L [elle avait huit ans à l’époque des faits]. « Une enfant victime, malgré elle, de ces violences conjugales auxquelles elle a assisté et qui aujourd’hui est traumatisée et suivie par des professionnels », indique la procureure. Pour le ministère public, R.MM est un homme « affable de sa personne, un tyran domestique, manipulateur qui use de son statut et de son pouvoir. Un homme dangereux avec une personnalité pervertie », complète-t-elle. « Des comportements dangereux » pour le parquet qu’il « faudra surveiller à l’avenir ». Elle regrette une quelconque remise en cause de la part du prévenu.

Le ministère public requiert une peine de dix-huit mois d’emprisonnement assorti d’un sursis probatoire, l’interdiction d’entrer en contact avec la victime et l’obligation de soins ainsi qu’une inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais).

Enfin, l’avocate de R.MM appuiera sa défense sur les enregistrements, qui d’après elle ne peuvent pas étayer des réels faits. Pour l’avocate, C.L était « scénariste, actrice et productrice des enregistrements ». « Elle peut dire ce qu’elle veut et l’utiliser comme elle le souhaite à son avantage ». Durant sa défense, elle démontrera que son client n’est pas la personne décrite pendant le procès mais un homme « avec des valeurs familiales et de respect, qui n’a jamais été violent ». Le rapport psychiatrique avait révélé R.MM comme un homme avec « des troubles égocentriques avec des traits de personnalité à tendance narcissique.

Après plus de cinq heures de débats, le tribunal rendra son délibéré le 25 mai prochain.

Siya TOURE