30.03.2023

Agression sexuelle à Saint-Barth : un et deux ans de prison requis pour les deux prévenus

Jeudi dernier, deux hommes ont été jugés par le tribunal correctionnel de Saint-Martin pour des faits d’agression sexuelle commise en réunion en septembre 2020 à Saint-Barthélemy. Un seul des deux prévenus a assisté à l’audience.

Les faits se sont produits lors d’une soirée d’anniversaire dans la nuit du 5 au 6 septembre 2020. La victime rejoint cette soirée, elle explique avoir bu trois verres d’alcool, puis n’a aucun souvenir du déroulement de cette soirée. Mais quelques «flashs» lui reviennent comme une scène où elle se voit «couler dans l’eau» et celle où l’un des prévenus la tient par les épaules tandis que l’autre «tente de la pénétrer» et d’avoir «subi des pénétrations anales». Elle se souvient de leur avoir dit clairement d’arrêter.

La victime a également déclaré qu’elle s’est retrouvée dans un appartement méconnu cette nuit-là et qu’elle portait des vêtements qui ne lui appartenaient pas, un t-shirt et un caleçon. Au matin des faits le 6 septembre, c’est sa voisine qui l’aperçoit devant sa porte (celle de la victime) dans «un état anormal qui frappait avec son trousseau de clés sur le canal de la porte d’entrée en répétant je veux rentrer chez moi».

La victime refusait de parler à sa voisine, elle se blottissait contre elle sans dire un mot. La voisine remarque qu’elle avait des hématomes sur son corps. Elle a donc appelé le médecin pour qu’il l’examine à domicile. Elle s’est plainte de pertes vaginales et de douleurs anales qui vont durer dix jours. De plus, elle a déclaré qu’elle souffrait d’une infection urinaire d’origine intestinale après les faits.

La victime se confiera sur cette soirée par la suite. Le 5 octobre 2020, soit un mois plus tard, elle porte plainte. «Le gendarme qui a reçu ma plainte ne m’a pas bien accueillie», aussi « j’ai été cuisinée pendant des heures comme si l’on remettait en cause ma plainte », explique-t-elle à barre. Selon la jeune femme, elle a été droguée car elle n’avait que très peu de souvenir de ce qui s’était passé cette nuit-là. Des examens ont été menés dont les analyses toxicologiques qui ont montré quelques traces de cannabis. Lexamen gynécologique a confirmé de multiples ecchymoses mais aucune trace de lésions vaginales ou anales. Cependant, un examen psychologique a révélé un syndrome post-traumatique.

La victime est parvenue à identifier ces deux agresseurs : DA et AV, âgés de 26 ans et 28 ans au moment des faits. Elle les connaissait brièvement dans le cadre de son travail. Les deux prévenus ont été placés en garde à vue le 2 novembre 2020. Ils ont reconnu avoir sympathisé avec la jeune femme et avoir eu un rapport sexuel avec elle, un rapport consenti d’après eux. Il ne leur est jamais venu à l’esprit qu’elle ne voulait pas. Au tribunal, DA a assuré qu’il était un homme qui respectait les femmes. Selon lui, cest elle qui a initié ce processus de séduction. Pourtant, une enquête de personnalité menée par les gendarmes auprès des amis et collègues de la victime, a indiqué que celle-ci était une personne méfiante, timide, peu sociable, froide avec les hommes et qui ne buvait très peu d’alcool.

« N’êtes-vous pas surpris que votre ami ne soit pas venu sexpliquer aujourd’hui au tribunal ? », demande l’avocate de la partie civile à AD. « Non », répond-il avec scepticisme. Cet ami qui a quitté Saint-Barthélemy pour aller s’installer à l’étranger. « Outre lalcool nenvisagez vous pas quil y ait eu autre chose dans le verre de la victime, comme de la drogue ? », demande l’avocate. « Non », rétorque-t-il. « Elle sest imaginé des choses et elle sen est persuadé », complète-t-il.

Selon l’avocate de la partie civile, cette affaire a permis « de prendre la mesure de ce que peut être le parcours du combattant dune femme victime dagressions sexuelles », affirme-t-elle lors de plaidoirie. Un véritable « chemin de croix dans cette procédure ». Elle soutient que sa cliente a été droguée. Même si elle ne peut en apporter la preuve, il y a des facteurs qui indiquent que la victime n’était pas consentante ni dans son état normal.

Des éléments manifestes selon elle, notamment la scène où « à tour de rôle les deux hommes essayent de pénétrer [sa cliente] et réessayent jusqu’à constater que celle-ci était serrée et fermée. Des éléments qui montrent que ma cliente n’était pas favorable. Pourtant, ils vont chercher de l’huile de l’olive pour réessayer. Je n’avais encore jamais entendu ça. C’est sidérant», déclare avec stupéfaction le conseil.

Cependant, l’expertise toxicologique n’a pas permis de déterminer exactement ce qui s’est passé cette nuit-là du 5 septembre, mais « elle a été faite tardivement », précise l’avocate. « La plupart des drogues que les violeurs utilisent n’apparaissent pas dans les analyses, mais cela ne signifie pas que ma cliente n’en a pas été victime. Vous ne pouvez pas l’ignorer », conclut l’avocate de la partie civile.

Le parquet est aussi revenu sur le point de lhuile dolive qui « donne le ton dans le consentement de la victime qui, nen avait pas envie. Ils (les prévenus) auraient dû avoir conscience que la jeune femme ne voulait pas », déclare le procureur. « On ne peut pas se réfugier derrière lalcool que vous auriez consommé excessivement durant cette soirée pour échapper à vos responsabilités. Lalcool a toujours été une circonstance aggravante », rappelle le procureur. Il requiert une peine de quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans assorti du sursis pour le prévenu absent et trois ans d’emprisonnement dont deux ans assorti du sursis pour AD.

Enfin, l’avocate de la défense entend « la souffrance » de la victime. Selon elle, la victime n’avait pas l’habitude de boire de l’alcool et « son corps a peut-être mal géré et donc altéré des trous noirs dans sa mémoire ». « Je suis convaincue quelle est convaincue de ce quelle dit mais il ny a aucune trace de pénétration anale ou vaginale ni drogue. Les expertises ont démontré le contraire », a-t-elle déclaré. A son avis, il n’y a aucun élément concret sur la culpabilité de ses clients, en ce sens elle demande la relaxe de ses deux clients.

Le jugement a été mis en délibéré au 27 avril.

Siya TOURE