02.02.2023

Crash du 24 décembre 1972 : la détermination d'un fils à comprendre les circonstances de l'accident

Témoignage de Thierry Rogers qui a perdu son père dans l'accident.

Dimanche 24 décembre 1972, Thierry Rogers perd son père dans un accident d’avion près de l’aéroport Princess Julianna. Il n’avait alors qu’un an et quelques mois, et pourtant l’accident est encore marqué en lui, porté par des questions dont la plupart sont sans réponses. Ce fils a souhaité se lancer dans des investigations afin d’apporter un peu plus de lumière à cet accident qui a coûté la vie à douze personnes, Saint-Martinois et Guadeloupéens.

L’avion s’est écrasé à deux kilomètres de l’aéroport Juliana où il devait atterrir à 19h00. « Les recherches ont été faites en fonction des informations qui ont été données par les autorités de la partie hollandaise. Elles ont perdu la trace de l’avion au niveau du Sonesta anciennement Concorde hôtel», explique Thierry Rogers d’après un article de presse, c’est là que les clients de l’hôtel auraient vu l’avion tomber.

«Une heure et demie après l’accident, les gardes côtes américains, basés à Porto Rico, sont arrivés sur les lieux. Les recherches ont été déclenchées par les autorités hollandaises dans la nuit du dimanche. Elles se sont poursuivies tout au long du lundi. Des moyens ont été demandés au préfet de la Guadeloupe et les autorités françaises ont pris le relai le mardi matin », complète-t-il.

Malheureusement, aucun corps n’a été retrouvé, ni l’épave, laissant les familles des douze victimes avec un difficile deuil. « C’était une bande de copains, dont des enseignants, qui venaient passer les fêtes de Noël en famille à Saint-Martin, il y avait un lien très fort entre eux », raconte Thierry Rogers.

Il a appris l’accident alors qu’il était un jeune enfant. «Je devais avoir cinq/six ans, quand j’ai découvert ce crash, mais je l’ai appris par des échos. J’ai donc posé des questions à ma mère, mais elle n’avait pas d’explication à me donner sur les circonstances de l’accident car elle ne savait pas et aucun corps n’avait été retrouvé », rappelle-t-il.

En juillet 2004, il écrit à Gilles de Robien, alors ministre des Transports. « Dans de ce premier courrier au ministre, je parlais déjà de rendre hommage aux victimes. Jai eu une réponse en septembre 2004 du bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA). Il ma expliqué quil reviendrait vers moi après avoir reçu une réponse des autorités hollandaises qui avaient mené lenquête. J’ai aussi écrit au président de la République Jacques Chirac en septembre 2005 », déclare celui qui n’a reçu aucune réponse jusqu'à il y a deux semaines. Le 23 janvier, il a reçu un courrier des archives provenant du BEA, courrier qui, malhureusement, ne lui a rien appris de nouveau. «J’ai eu des confirmations de ce que je savais déjà. Il faut maintenant aller chercher plus loin auprès des autorités hollandaises », convient-il.

Les années ont passé mais les questions restent présentes. Thierry Rogers ne renonce pas à trouver des réponses à ces questions. Il continue à chercher des informations auprès du BEA, un parcours long et ardu. Depuis le début de ce combat, il s’est toujours appuyé sur le soutien de sa mère pour essayer de comprendre ce qui s’était passé.

«Il y a un an et demi, ma grand-mère m’a donné un article de presse de la partie hollandaise, avec le nombre des disparus racontant le crash. C’est là que j’ai décidé qu’il fallait faire quelque chose pour les victimes», confie-t-il. «Aujourd’hui, je ne cherche pas de responsable mais je veux comprendre les circonstances de cet accident et également pouvoir rectifier les informations erronées que l’on peut retrouver sur internet», exprime-t-il en attente de réponse du bureau d’enquête.

A l’occasion du cinquantenaire de l’accident d’avion, Thierry Rogers a écrit aux archives nationales pour un rapport d’enquête. Attendant une réponse de leur part, il a souhaité qu’il y ait un mémorial au nom des douze défunts pour ce 24 décembre 1972 ne soit pas oublié. Avec l’aide de sa mère et d’un passage télévisuel en Guadeloupe, il a réussi à retrouver toutes les familles des victimes, à l’exception de celle du pilote.

Le 20 janvier dernier à Saint-Martin, une stèle a été érigée à Saint-Martin en l’honneur de ces douze victimes. Thierry Rogers avec Christian Champare (frère d’une des victimes) avaient soumis cette demande auprès du président de la Collectivité de Saint-Martin.

Pour ce fils, il était important d’avoir un lieu de recueillement et un mémorial afin que les disparus ne tombent pas dans l’oubli. «Maintenant, jai un endroit pour venir me recueillir quand je viens à Saint-Martin », dit-il. Certaines familles n’ayant pas pu se déplacer à Saint-Martin pour assister à la cérémonie, Thierry Rogers souhaite faire de même en Guadeloupe pour commémorer cet évènement.

A Saint-Martin, «il y a eu beaucoup d’émotions, cette reconnaissance était essentielle pour les familles. J’espère que leurs esprits étaient apaisés ce jour-là », confie-t-il. « Les victimes étaient dans l’ombre, désormais, elles sont dans la lumière », conclut Thierry Rogers.

Siya TOURE