15.11.2021

Détention d'armes et de munitions : le tribunal prononce une peine de jours-amende

Une affaire dans une affaire. Courant septembre des dizaines de chiens sont empoisonnés dans le nord de l’île. Une enquête est ouverte par les gendarmes qui orientent leur recherches vers EL, un Saint-Martinois âgé de 59 ans. Le 23 septembre au matin ils réalisent une perquisition à son domicile à Grand Case et vont découvrir un coffre-fort contenant près de 460 munitions et une douzaines d’armes dont deux révolvers chargés. EL fait aussitôt l’objet d’une procédure pour détention d’armes sans autorisation.

Il était convoqué devant le tribunal de proximité de Saint-Martin début octobre mais son avocate, maître Loïse Guillaume-Matime, a demandé un délai pour préparer la défense car elle avait eu connaissance du dossier tardivement. Ce délai a été accordé de droit. EL est donc revenu à la barre du tribunal le 3 novembre dernier.

Maître Guillaume-Matime tente dès le début de soulever la nullité de la première procédure qui a conduit à celle pour laquelle son client était convoqué. Précisément, elle  cherche à démontrer que les conditions dans lesquelles la perquisition a été ordonnée (et donc réalisée) n’étaient pas fondées. Autrement dit, si la perquisition n’a pas eu lieu dans les règles de l’art judiciaire, cette procédure est annulée avec ce qui en découle, soit la découverte des armes et donc les poursuites de EL.

Pour le conseil, les gendarmes n’avaient pas assez de preuves pouvant inculper son client dans les empoissonnements des animaux et justifier de perquisitionner chez lui. En face, le parquet affirme le contraire, il est en mesure d’apporter les éléments dudit dossier pour contrer les arguments de l’avocate. Le tribunal saisi uniquement de l’affaire de détention des armes et n’ayant ainsi pas eu accès au dossier des empoisonnements, ordonne alors  une suspension d’audience afin de permettre au substitut du procureur d’apporter les éléments de l’autre dossier et à la défense d’en prendre connaissance.

A la reprise de l’audience, maître Loïse Guillaume-Matime campe sur sa position et relève des pièces fournies par le parquet, que les «indices» ayant permis aux gendarmes d’orienter leurs enquête vers EL, sont des images vidéo d’un pick up similaire à celui de son client mais non reconnaissable car sans plaque d’immatriculation ainsi que des témoignages de personnes qui n’identifient pas EL. Le tribunal joint l’incident au fond et examine l’affaire des armes.

EL reconnaît qu’il était en possession de 11 armes (dont un fusil d’assaut) et de 460 munitions ; une grande partie se trouvait dans un coffre-fort dont seul EL a le code pour l’ouvrir, et l’autre partie dans une armoire verrouillée. Il explique que certaines armes appartiennent à son frère que les lui a confiées après le passage d’Irma, car sa maison ayant été détruite, il voulait les mettre en sécurité. Certaines armes proviennent également de leur père.

Ce qui intrigue le tribunal est la présence de révolvers type Magnum chargés, «prêt à être utilisés». «Pourquoi étaient-ils chargés ? Aviez-vous l’intention de les utiliser ? », deux questions que les juges posent à plusieurs reprises et auxquelles ils obtiennent des réponses qui les satisfont peu. EL avait expliqué aux gendarmes que c’est son frère qui prenait parfois les armes pour tuer les singes, mais qu’il lui arrivait aussi de tuer les iguanes pour les manger. A la barre du tribunal, EL insiste sur le fait qu’il ne se sert jamais des armes, qu’il porte une grande attention au fait qu’elles soient dans le coffre-fort verrouillé et que la majeure partie des armes viennent de son père ou appartiennent à ses frères.

Avant de requérir, le substitut du procureur rappelle que lors d’une tentative de cambriolage à son domicile il y a plusieurs années, EL avait saisi une arme et les gendarmes s’étaient retrouvés face à face avec lui. Le représentant du ministère public a demandé une peine de 240 jours amende à 10 euros, la confiscation des scellés et du coffre-fort et une interdiction de porter une arme pendant huit ans.

Après en avoir délibéré, le tribunal rejeté les demandes de nullité et a prononcé une peine amende de 240 jours à 10 euros, la confiscations des armes (sauf les armes de catégorie D) et une interdiction de détenir une arme pendant cinq ans.

 

Estelle Gasnet