28.12.2020

Retard de paiement : la COM ne s’est pas suffisamment justifiée dans une affaire examinée par la justice

Les faits

Le 14 novembre 2016, la Collectivité de Saint-Martin est condamnée par le juge d’exécution des peines à payer 243 000 euros aux consorts E au titre de la liquidation d’une astreinte prononcée par arrêt trois ans plus tôt. Le 19 décembre 2016, la COM fait appel de ce jugement.

En octobre 2017, l’affaire est radiée par le conseiller de mise en état ou la personne qui établit le calendrier des audiences à la cour d’appel de Basse-Terre «en raison de l’inexécution de la décision». La COM va alors vouloir faire annuler cette radiation afin que l’affaire initiale soit réexaminée par la cour d’appel. En septembre 2019, elle rend des conclusions en ce sens et obtient gain de cause : une ordonnance est ainsi prise indiquant la réinscription de l’affaire au rôle de la cour d’appel.

L’affaire en 2020

Mais le conseiller de mise en état et les consorts E campent sur leur position. Selon eux, l’affaire ne peut pas être examinée de nouveau car la COM ne s’est pas manifestée durant la période légale (soit deux ans) dont elle disposait pour le faire. De plus, le jugement contesté par la COM était assorti d’une exécution provisoire, c’est-à-dire que bien qu’ayant fait appel de ce jugement, la COM était tenue de verser les quelque 243 000 euros aux consorts E ; la COM avait demandé à ce que cette exécution provisoire soit suspendue mais cela lui a été rejeté en février 2018.

En juillet 2020, le conseiller de mise en état constate donc une nouvelle fois la péremption de l’instance ; l’affaire est de nouveau radiée par ordonnance. La COM la défère deux semaines plus tard.

Elle estime que la péremption observée par les consorts E, n’est pas encourue. Elle soutient qu’elle a bien demandé à ce que la somme due aux consorts E leur soit versée. Elle affirme avoir émis un mandat de paiement le 18 mars 2019 d’un montant de 244 500 euros, que ce mandat a été enregistré à la CARPA de Martinique le 26 mars de la même année. Elle refuse en revanche de porter la responsabilité de l’envoi tardif du chèque, celui ayant été en effet reçu par les consorts E par lettre recommandée le 8 octobre 2019. La COM impute ce retard du virement à «la défaillance de la CARPA dans l'établissement de la lettre-chèque ».

Lors de nouvelles conclusions déposées en octobre 2020, les consorts E réitèrent leur position : «le paiement par chèque de la dette, au surplus incomplet, est intervenu plus de deux ans après l'ordonnance de radiation». Et de préciser : «peu importe les difficultés de la CARPA de Martinique, la COM étant coutumière de l'inexécution des décisions de justice tels les arrêts des 14 décembre 2015 et 06 juillet 2020 rendues par la cour d'appel de Basse-Terre en leur faveur et à son encontre.»

La décision de la cour d'appel

L'affaire a toutefois été retenue par la cour d’appel de Basse Terre qui l’a examinée le 9 novembre dernier. A cette audience, la cour d’appel ne devait pas confirmer ou non le jugement selon lequel la COM devait verser 243 000 euros aux consorts E, mais statuer sur l’ordonnance du conseiller de mise en état indiquant la radiation du dossier. Bref, la cour d’appel devait dire si cette affaire est conservée ou non sur la liste des dossiers qui seront jugés une nouvelle fois.

Si la cour a constaté que la COM avait bien émis auprès de son ordonnateur (la direction des finances publiques, ndlr) un mandat de paiement en mars 2019, qu’elle avait envoyé quatre courriers en juillet et septembre 2091 à la CARPA au sujet de la lenteur du virement, la cour ne relève pas dans les pièces fournies que la COM ait justifié que «le paiement de la somme ait bien été effectué par le comptable public dans un délai raisonnable ».

«Or, pour être interruptif de la péremption, caractérisée par une absence de diligences pendant 2 ans, l'acte opéré doit démontrer la volonté sans équivoque de l'appelant (ici la COM, ndlr) d'exécuter et de faire progresser l'affaire, les simples conclusions aux fins de rétablissement ou les simples démarches faites par une partie, n'étant pas de cette nature. C'est à raison que le premier juge a considéré qu'à défaut de preuve dans le délai de deux ans, d'une volonté réelle d'exécuter la condamnation prononcée contre elle, l'instance enrôlée est périmée. Dés lors, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions », estime la cour d’appel dans sa décision rendue le 7 décembre.

Estelle Gasnet