27.11.2020

Séquestré par son patron, il appelle les gendarmes pour le libérer

Le patron a été poursuivi en justice. Il était convoqué jeudi matin devant le tribunal de proximité.

Comme dans chaque affaire, le président du tribunal lit à la personne qui est à la barre  l’infraction – en termes juridiques – qui lui est reprochée. Jeudi matin, il expose ainsi à JP qu’il est convoqué pour «arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d’une libération avant le septième jour».

- «Mais pourquoi je suis là ? Qu’est-ce que j’ai fait ?», demande JP.

- «Vous êtes là car vous avez séquestré DE dans un conteneur», lui répond la juge. JP acquiesce mais veut se justifier.

Les faits se sont déroulés le 14 octobre 2019 lorsque DE, 70 ans, alors employé de JP, 80 ans, revient de congés. Selon le patron, DE n’avait pris que deux semaines et il a prolongé ses congés sans autorisation et sans avertir. Pour DE, tout était clair car il prend toujours un mois de vacances à cette période de l’année.

«DE est revenu travailler après un mois et demi , presque sept semaines, d’absence sans parler», explique à la barre JP. «Il m’a dit qu’il n’y avait pas de travail pour moi… Ok, s’il n’y a pas de travail pour moi, donne moi mes papiers et je m’en vais. Mais en attendant je vais travailler », a répondu DE. «Je suis allé dans le conteneur où il y a les outils, j’étais nu corps et il a poussé les portes», poursuit DE. «J’ai pensé qu’il poussait les portes car j’étais nu corps et qu’il ne voulait pas que les gens me voient… mais il a fermé les portes et j’étais toujours à l’intérieur», ajoute-t-il. «Je n’ai pas fermé le cadenas», nuance JP, ce dernier a «juste posé le cadenas» sur les portes. «Il s’est énervé, il était menaçant, avait une voix rauque», ajoute JP pour justifier son geste.

Réalisant qu’il ne pouvait pas sortir, DE appelle les gendarmes qui arrivent dix minutes plus tard et le libèrent. «Il est resté enfermé dix minutes», souligne JP. «Que ce soit 10 minutes, 45 minutes ou plus, vous n’avez pas le droit de séquestrer quelqu’un », lui rappellent les juges.

Suite aux faits, JP a licencié DE qui ne l’a pas accepté et a saisi les Prudhommes ; l’affaire n’a pas encore pu être examinée. Concernant celle de la séquestration, une médiation pénale a été suggérée aux deux parties mais elle a été refusée par DE. D’où la convocation devant le tribunal de proximité.

Quelques jours avant l’audience, JP est allé voir le conseil de DE pour lui proposer une indemnité à hauteur de 6 000 euros. Son avocat lui a conseillé d’accepter l’offre mais DE l’a refusée. Il a estimé le montant trop faible par rapport au préjudice moral. Il a souhaité se constituer partie civile et demander 20 000 euros de dommages et intérêts.

Le vice-procureur a requis une amende de 3 000 euros avec sursis. Après en avoir délibéré, le tribunal a reconnu JP coupable mais l’a dispensé de peine. Il a reçu la constitution de partie civile de la victime et lui a accordé 6 000 euros de dommages et intérêts, somme que JP devra lui verser.

Estelle Gasnet