17.06.2020

Et si la fermeture de la frontière avait permis de mettre en exergue les fraudes aux aides sociales

L’absence de frontière conjuguée à un manque de contrôles à Saint-Martin favorisent la fraude sociale. L’astuce est connue de tous : on utilise une adresse côté français (celle d’un ami, d’un cousin, d’un oncle, d’une tante, etc.) pour pouvoir remplir l’une des principales conditions à l’octroi des aides sociales en France, être résident sur le territoire national. Même si on habite et/ou travaille côté hollandais, on peut ainsi prétendre à des allocations familiales ou au RSA car on est en mesure de communiquer une adresse en partie française.

Depuis quelques années, des contrôles sont opérés, mais ils restent peu nombreux par manque de moyens humains et matériels. Il demeure difficile d’apprécier la situation de l’ensemble des bénéficiaires. Selon le rapport 2018 de l’Iedom, «7 203 foyers perçoivent fin 2018 au moins une prestation de la Caisse d’allocations familiales (CAF) au regard de leur situation familiale et/ou financière, portant à au moins 17 933 le nombre de personnes couvertes ». Quant au RSA, la COM indique avoir versé l’allocation à 1 917 foyers en mai 2020.

Autre fait avéré, un grand nombre des bénéficiaires des allocations sociales les récupèrent en espèces auprès de leur établissement bancaire, principalement La Banque postale, d’où toujours ces longues files d’attente en début de mois devant l’établissement.

Le confinement lié à la crise du covid-19 et surtout la restriction de franchir la frontière pendant plusieurs semaines, ont permis de confirmer ce que les autorités pouvaient jusqu’alors qualifier de fortes suppositions. Etant dans l’impossibilité de venir en partie française, les allocataires résidant en partie hollandaise, n’ont pu se rendre à La Poste pour retirer leurs allocations. En revanche, les résidents de la partie française avaient la possibilité de se déplacer.

Selon nos sources, environ un million d’euros n’a pas été retiré en avril. Et autant en mai. Puis à partir du 2 juin, jour où les restrictions de circulation ont été levées, les allocataires sont (re)venus nombreux à La Poste.

Ces constats ont été partagés par les autorités avec le parquet de Saint-Martin, qui confirme avoir été saisi officiellement du dossier.

La lutte contre ce type de fraude est déjà l’une des priorités du comité opérationnel territorial anti-fraude (COTAF), les actions devraient donc être renforcées, parmi lesquelles identifier les adresses utilisées par plusieurs allocataires qui n’ont aucun lien entre eux.

Non seulement ces derniers sont en faute car ils fournissent de fausses déclarations, mais le sont également les vrais propriétaires qui prêtent leur adresse, même s’ils le font à titre gracieux.

Il y a plusieurs années, des hommes avaient été condamnés par le tribunal de Saint-Martin, pour avoir déclaré trop d’enfants. Le service de l’état civil de la COM avait en effet constaté que plusieurs bébés avaient été reconnus par un même homme au cours d’une certaine période ; une enquête avait été menée et avait révélé que des femmes étrangères accouchaient à l’hôpital Louis-Constant Fleming et rémunéraient des hommes de nationalité française pour reconnaître leur bébé. La fraude était multiple : les enfants pouvaient acquérir de droit la nationalité française alors qu’aucun de leur parent n’était français, les femmes et les faux pères pouvaient prétendre à des aides sociales. Sans compter l’argent gagné illicitement par ces derniers.

Estelle Gasnet