03.12.2019

Le cadre légal d'un contrôle de gendarmerie remis en cause

C'est sur cet élément que la défense d'un jeune de 22 ans s'est basée pour demander sa relaxe des faits d'attroupement et de violences avec arme sur gendarmes.

Alors que les faits apparaissaient simples, leur examen par le tribunal a duré deux heures. HL, un Saint-Martinois de vingt-deux ans, est accusé de violences sur des gendarmes et d’avoir participé à un attroupement avec une arme, en l’espèce une pierre. Il a été interpellé et placé en garde à vue. Il a reçu une convocation devant le tribunal correctionnel à la date du 29 novembre. Un second individu, B, est aussi poursuivi pour des faits similaires mais son procès aura lieu l’année prochaine.

Les faits

Le 14 novembre dernier en début de soirée à Grand Case, des gendarmes en patrouille contrôlent deux individus. La scène se passe au croisement de la rue des Ecoles et de la RN 7. Deux autres individus, HL et B, tentent de s’interposer puis partent vers la route nationale. Ils sont suivis par les gendarmes qui veulent aussi les contrôler.

B refuse, est saisi par le bras par les gendarmes, tente de se débattre, finit au sol où il est menotté.

En même temps HL s’interpose. Deux autres individus arrivent. Le ton monte et une altercation éclate. Les gendarmes sont la cible de jets de pierre ; l’un d’eux est touché au visage et tombe au sol. «Comme il convulse, les gendarmes lui viennent en aide et le transportent à l’hôpital. Il a un os du nez cassé et une ITT de quatre jours», rapporte leur avocat, maître Luc Godefroy.

En parallèle, B, toujours menotté, rentre chez lui. Arrivé à son domicile, son père appelle les gendarmes pour leur signifier que son fils est menotté et à la maison. C’est ainsi que B est interpellé et placé en garde à vue. Lors de son audition, il mentionne la présence de HL qui sera aussi placé en garde à vue et convoqué en premier devant la justice. HL est reconnu sur une planche photographique par les gendarmes comme étant l’un des auteurs du caillassage.

Le premier contrôle

Même si son client n’est pas concerné par le premier contrôle d’identité des gendarmes, l’avocate de HL remet en cause ce contrôle. Pour maître Fatima Lagnaoui, il n’a pas été réalisé dans un cadre légal et si tel est le cas, cela annule la procédure impliquant son client.

«Quel cadre justifie ce contrôle ?», a-t-elle demandé au tribunal avant de rappeler les deux prévus par la loi, soit «l’article 78-2 du code de procédure pénale ou des réquisitions du procureur». L’article 78-2 autorise des officiers de police judiciaire à contrôler l’identité d’une personne si celle-ci a, entre autres, commis ou tenté de commettre une infraction, se prépare à commettre un crime ou un délit, fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

En dehors de ce cadre, les OPJ peuvent contrôler l’identité de personnes sur la voie publique, si des réquisitions du procureur définissant le lieu, l’horaire, etc. ont été données en ce sens.

Le vice-procureur confirme que des réquisitions ont été prises le 30 octobre permettant le contrôle du 14 novembre. Mais maître Lagnaoui les dénonce. «Elles doivent figurer dès le départ dans la procédure, or elles ont été ajoutées au dossier le 25 novembre», précise celle qui avait récupéré le dossier auprès du greffe du tribunal quelques jours plus tôt sans les réquisitions. Aussi a-t-elle demandé à ce que le document soit retiré du dossier. Si tel est le cas, aucun cadre ne justifiera le contrôle et les conséquences qu’il a engendrées.

Par ailleurs, le parquet fait valoir que la rue des Ecoles à Grand Case est un haut lieu de trafics de produits stupéfiants et que par conséquent, l’article 78-2 permet aussi des contrôles d’identité si les gendarmes ont la conviction que des personnes sur la voie publique vont se livrer à un trafic.

Pour l’avocate, l’ajout tardif des réquisitions, la rédaction du procès-verbal de l’intervention trois jours après les faits, témoignent de la volonté de justifier d’une opération qui s’est révélée être «bancale» ; elle emploiera à plusieurs reprises le qualificatif.

De plus, elle fera remarquer que les gendarmes de ladite patrouille ce jour-ci étaient des agents de police judiciaire (APJ). Or contrairement aux officiers de police judiciaire (OPJ), soit le grade supérieur, les APJ doivent avoir eu un ordre ou autorisation d’effectuer un contrôle d’identité. Maître Lagnaoui dit n’avoir lu à aucun moment dans la procédure le nom du supérieur hiérarchique ayant donné l’autorisation.

Autant d’éléments qu’elle a rassemblés dans des conclusions de nullité ; l’incident a été joint au fond. Les faits impliquant HL ont donc été examinés par le tribunal.

Le second contrôle et l’altercation

Après avoir procédé au contrôle des deux premiers individus, les gendarmes suivent HL et B qui se sont manifestés lors du premier contrôle.

B refuse le contrôle et une altercation éclate. Il est maîtrisé au sol et menotté. HL tente de s’interposer, il est poussé par les gendarmes. Ils lui disent de rentrer chez lui mais il veut faire part de sa colère. HL ne dénonce pas le contrôle en lui-même «mais la manière dont ils le font», explique-t-il au tribunal.

Lorsque que B, à terre, se relève, l’un des gendarmes l’asperge d’un jet de gaz lacrymogène. «Mais pourquoi vous le gazez alors qu’il est menotté ? », demande un juge au militaire. «Il avait été menaçant», répond-il. «Oui mais là il est menotté, comment peut-il être encore menaçant ? Il peut être agressif verbalement mais pas physiquement», lui fait remarquer le tribunal.

Voyant l’usage de gaz lacrymogène, HL et un autre individu vont attraper des pierres. HL reconnaît en avoir pris une «pour se défendre» mais l’avoir lâchée. Il nie l’avoir lancée sur les gendarmes et ainsi être à l’origine des blessures du gendarme.

Lors des débats, il est plusieurs fois fait allusion à «la vidéo». En effet la scène a été filmée par les caméras de surveillance de la COM. Pour que le tribunal se fasse une idée des faits, l’avocate demande le visionnage des images. Seconde par seconde le chef de patrouille décrit la scène jusqu’aux jets de pierres.

«Sur les images, on voit bien les pierres voler mais on ne voit pas qui les lance [HL et un autre individu sont cachés par un escalier sur les images, ndlr). On ne peut donc pas affirmer que c’est mon client qui a lancé la pierre qui a touché le gendarme. Mais comme l’autre individu n’a pas été identifié et bien on met en cause mon client... Dans ces circonstances, aux Assises on dirait le doute profite à l’accusé, ici aujourd’hui le doute doit profiter au prévenu», a commenté maître Lagnaoui.

Les réquisitions

«Quand les gendarmes sont sur la chaussée, personne ne doit intervenir», a insisté le vice-procureur ; lequel avait déjà assuré deux jours plus tôt lors d’un autre procès que «toute personne qui s’en prendra à un gendarme sera poursuivie ». «Si vous n’êtes pas content, vous prenez des photos, vous écrivez une lettre, vous demandez à m’en parler », a complété le représentant du ministère public devant HL qui acquiesçait de la tête.

Toutefois il a reconnu que les détails soulevés par l’avocate auraient dû être mentionnés dans la procédure et conseillé les gendarmes que, «quand une situation peut dégénérer, ils doivent laisser tomber le contrôle ». Il a aussi rappelé à deux reprises qu’un gendarme qui avait commis une faute lors d’une intervention «ne faisait plus partie aujourd’hui de la gendarmerie ».

Concernant les faits du 14 novembre, malgré la confusion sur certains passages, le parquet considère que HL n’avait pas à intervenir. Aussi requiert-il une «peine d’avertissement de six mois de prison avec sursis». «Mais après l’avertissement, ce sera une sanction», a-t-il prévenu.

La relaxe demandée par la défense

Au vu de tous les éléments qu’elle a soulevés, maître Lagnaoui a demandé la relaxe de son client qui est inséré professionnellement et vit avec sa compagne et leur enfant âgé d’un an. Elle a aussi fait remarquer «l’épaisseur de ce dossier » contrairement à d’autres. «Il y a un total désinvestissement dans certaines procédures, par exemple, quand des jeunes sont victimes d’accident de la route, on considère que c’est de leur faute, on les prend pour cible, le dossier est peu épais alors que celui-ci est épais », a-t-elle martelé.

Après en avoir délibéré, le tribunal a reçu les conclusions de nullité. HL est donc ressorti libre du palais de justice.

Estelle Gasnet
10 commentaires

Commentaires

c'est comme ça c'est la vie!!!
Si le contrôle tourne mal laisser tomber en gros si vous arrêtez des gros poissons lâché l'affaire regarder plutôt la personne qui ne mets pas sa ceinture la personne qui est au téléphone la personne solvable arrêter bien entendu là où il n'y aura pas de problème on les connais bien ces personnes-là les payeur d'impôt...

Bravo à l’avocate. Et svp Messieurs les gendarmes, arrêtez de contrôler à tort et à travers les gens en voiture qui ont leur ceinture, leur vignette verte, ect. Concentrez-vous plutôt à contrôler les gens en moto qui font du 1 roue, qui font des courses dangereuses avec dépassements inconscients. Vous avez aussi l’option des rondes de quartiers. Marre des vols de voitures, des serrures forcées, ect. Merci.

Haaaa le fameux y a pire ailleurs...

Quand c'est des pédophiles, y'a pas de dossier du tout. Justice d'opérette.

Une jolie course poursuite avec un 2 roues qui se termine en drame pour le conducteur qui perd la vie... à cause des gendarmes. tu veux des émeutes en gwada. Non merci !

Magnifique leçon pour se petit branleur , il embrouille des gendarmes , les caillasses et sort relaxé du tribunal

On marche sur la tête!...

le politiquement correct et la paix sociale dans certaines zones et pas d'embrouille avec certains individus pour éviter les tensions, même si ce sont des racailles voilà la justice actuelle, ces gens là l'ont bien compris et en profite et en abuse... a près tout ils trouvent toujours des avocats pour aller dans leur sens qu'ils en profitent...et puis quand on a un gamin on reste chez soi au lieu de trainer dans la rue...

Super boulot de l’avocate, lorsqu’on est gendarme on doit faire respecter la loi mais on doit la respecter aussi, c’est fini le temps des cow-boys. Il y’a des procédures qui on été mis en place, ils sont pas là pour faire jolie. si vous êtes pas content c’est pareil.

BEN ALLONS Y POURQUOI....DEJA QUE LES GENDARMES, SOUS PRETEXE DE PAIX SOCIALE, SANS PRENNE SYSTÉMATIQUEMENT AUX MÊMES, LES BESOGNEUX QUI PAIENT DES IMPOTS ET QUI SONT SOLVABLES, POUR UNE FOIS QU ILS ONT LE MALHEUR DE FAIRE UN ECART....ILS S EN SOUVIENDRONT..... C'EST PAS DEMAIN QU'ILS RECOMMENCERONT ....