22.03.2019

Pascal Drampe, le flic qui a déposé son arme pour prendre la plume

L’ancien chef de la PAF à Saint-Martin, vient de publier son premier livre, « Flic, un métier qui tue » dans lequel il raconte quelques-unes de ses interventions sur le terrain et raconte les coulisses du métier.

Certains y verront un moyen de mettre les points sur les i à son «ex-administration », lui, le voit comme «un témoignage». Pascal Drampe qui a gravi tous les échelons jusqu’au grade de commandant, signe son premier livre «Flic, un métier qui tue» aux éditions guadeloupéennes Nestor, dans lequel il retrace sa carrière dans la police nationale.

«J’ai éprouvé le besoin de communiquer sur mon métier qui est trop souvent décrié, ainsi que ses coulisses pour que le lecteur s’en fasse une idée plus juste», confie-t-il. Originaire d’un milieu modeste du Nord de la France, Pascal Drampe est entré dans la «Grande Maison» comme il l’appelle en juin 1986 en banlieue parisienne âgé de 21 ans en qualité de gardien de la paix stagiaire. «Gonflé à bloc, j’allais enfin pouvoir œuvrer pour la justice sociale, non pas de manière utopique mais plutôt pragmatique», écrit-il. Alors qu’on lui fait comprendre qu’il doit faire ses preuves, il saisit l’opportunité d’arrêter seul un voleur de mobylette,  sur le terrain à quelques encablures du commissariat. Fier de lui, Drampe ne va pas comprendre pourquoi son chef va lui «passer un savon ». Ce sera le premier de sa carrière mais pas le dernier accroc avec des membres de sa hiérarchie. C’est aussi pour «permettre à certains collègues d’éviter les nombreuses embûches qui jonchent [leur] parcours et leur donner ou redonner l’envie d’exercer leur métier pleinement en accord avec leur instinct, qu’ils n’oublient pas jamais la raison pour laquelle ils sont entrés au ministère de l’Intérieur», qu’il a aussi écrit ce livre. Des embûches, Pascal Drampe en a eu et avoue que seuls son éducation à la dure de son père, son fort caractère, ses convictions et sa conscience professionnelle lui ont permis d’y faire face et d’avancer.

A Nice où il a été muté en 2001, il crée en 2004 un groupe de « trafic automobile » au sein de la Sûreté Départementale des Alpes-Maritimes. Il va avec «ses gars» démanteler un trafic et une escroquerie à l’assurance dans lesquels sont impliquées des personnalités de la haute société. Malgré les résultats sur plusieurs mois (vols en forte baisse) relayés par la presse locale, Drampe doit faire face à des montages d’affaires et risque la prison. Déterminé, il prouve son innocence devant les juges en charge l’enquête. «Une terrible traversée du désert» avec «des conditions de travail rendues pénibles par une partie de  la hiérarchie» qui a duré un an et demi et qui l’a éloigné du terrain, terrain qu’il va rapidement retrouver en Guyane.

D’abord à Saint-Laurent du Maroni puis à Cayenne, Pascal Drampe ne va pas y aller par quatre chemins. Il prend direct celui de la forêt amazonienne pour lutter contre l’orpaillage clandestin, opérations qui à l’époque - début des années 2010 - étaient «la chasse gardée de la gendarmerie», lui avait-on dit.

A son arrivée, «le service était huilé à la façon PAF», confie-t-il. Les policiers ne cessaient d’arrêter des clandestins reconduits le soir à la frontière, c’est-à-dire de l’autre côté du fleuve, au Surinam. Environ 4 000 par an. Des actions qui étaient «totalement inefficaces et chères» car ils «reprenaient souvent les mêmes dans la journée ou le lendemain». «Mais les statistiques étaient excellentes», ironise-t-il.

Après avoir vu comment la PAF pouvait agir, Pascal Drampe convainc son patron. «Monsieur le directeur, c’est un bon créneau à prendre pour redorer le blason de notre direction. Nous sommes mal perçus ici, nos missions frisent le ridicule, on interpelle toujours les mêmes», lâche-t-il. Quelques jours plus tard, Drampe obtient le feu vert et sélectionne des hommes pour mener leur première opération Harpie en forêt en octobre 2009. Couronnée de succès, elle marque le début de la PAF dans la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane. «Ces missions Harpie font partie de mes plus beaux souvenirs de carrière. Durant ces missions, mes hommes et ma compagne Betty [rencontrée en Guyane, NDLR), ont réussi à se transformer en véritables guerriers ! », raconte celui qui a été félicité par le directeur général de la police nationale, Frédéric Pechenard, de l’époque. «Un sentiment inexplicable lorsqu’il est venu aux résultats en pleine forêt amazonienne», avoue-t-il.

Durant son séjour en Guyane, Pascal Drampe a aussi dû faire face à des coups durs, comme la mort de deux camarades commandos tués par des Brésiliens du gang de Manoelzihno. A l’occasion de cette enquête de l’IGA (Inspection Générale de l’Administration), il rencontrera l’actuelle préfète de Saint-Martin, Sylvie Feucher, représentant à l’époque l’inspection générale de la police nationale.

Justifier ses choix et défendre ses modes opératoires, Pascal Drampe avait déjà dû le faire en Guadeloupe, quelques années plus tôt, après avoir tué en janvier 2001, au hasard d’une intervention, l’ennemi public numéro un, Patrick Thimalon. Dans son livre, Drampe raconte l’événement qui représente le souvenir numéro un de sa carrière mais aussi celui qui aurait aussi pu lui coûter la vie, il découvrira 10 ans plus tard le détail qui lui sauva la vie. «C’était lui ou moi», confie-t-il. Mais à l’époque, ce que l’opinion retient est que des policiers ont été envoyés pour assassiner Thimalon. La légitime défense sera retenue.

«La liberté ou la vie ne tient parfois qu’à un fil », affirme-t-il aujourd’hui. Une liberté dont il essaie de jouir maintenant qu’il est à la retraite. Après avoir «mis en exergue son savoir-faire », il se «consacre maintenant au faire-savoir». Ce livre n’étant qu’un premier pas. Le deuxième portera sur «le harcèlement moral dans la police», annonce-t-il. Il s’est aussi lancé dans la rédaction d’un scenario de film et d’un polar.

A fin de son livre, Drampe explique qu’il a entamé des poursuites judiciaires à l’encontre d’une partie de sa hiérarchie pour entre autres harcèlement et dénonciation calomnieuse. En 2013, alors qu’il est en Guyane, il se voit proposer le poste de chef de la PAF à Saint-Martin suite au décès de Raphaël Harlé, l’un de ses amis avec lequel il avait travaillé en Guyane. Il hésite à y aller mais, devant l’insistance de plusieurs de ses chefs, il finit par accepter «en mémoire pour Raf ». On lui promet aussi que sa compagne, aussi policière, sera mutée à Saint-Martin. Tous les deux font leurs bagages mais à quelques jours du départ, Drampe apprend qu’en fait, sa candidature n’est pas retenue. «Que s’était-il passé ? On m’entrouvrait la porte pour me la reclaquer en pleine figure. (…) Quelques jours plus tard, j’obtenais quelques renseignements quant à la fameuse candidature [celle qui avait été retenue à la place de la sienne, NDLR] et m’apercevais immédiatement qu’elle n’était pas recevable statutairement », raconte-t-il.

Il va tout de même partir à Saint-Martin où il va exercer « en excellentes relations avec tous les partenaires » et être la cible de manœuvres. «Encore une fois, j’affronterai mes détracteurs en face et devant la justice. Ce qui me peine le plus c’est que l’on s’en soit pris à ma compagne», assure-t-il. Et c’est une fois que la justice aura élucidé cette affaire que Drampe pourra profiter de «cette liberté » dont il parle, celle qui ne « tient à qu’à un fil ». Dans cette attente il s’est lancé dans l’écriture. Il a entamé celles d’un scénario de film, d’un polar et d’un autre témoignage.

A la question, n’avez-vous pas au final autant lutté contre les malfrats que votre administration, le commandant de police jeune retraité répond : «Vous savez, il y a une règle d’or pour lutter efficacement contre le banditisme, il faut un fort tempérament, sinon c’est voué à l’échec. Mais le revers de la médaille, il y en a toujours un, c’est que mon ex-administration n’apprécie, en général, que fort peu le flic au caractère trempé. Pourtant, ce sont les seuls armés pour faire face à l’adversaire».

« Flic, un métier qui tue », 300 pages, est disponible aux éditions Nestor. Une séance de dédicaces sera organisée le 4 mai à Saint-Martin. Six autres maisons d’édition à Paris et Lyon avaient retenu le manuscrit mais Pascal Drampe a finalement porté son choix sur Willy Nestor : «Par rapport à mon parcours en outre-mer et surtout en Guadeloupe, j’estimais de mon devoir de confier mon ouvrage à Willy Nestor dont vous devez vous douter que l’accueil guadeloupéen a été à la hauteur de ce que j’en connais».

 

Estelle Gasnet
3 commentaires

Commentaires

Bravo à toi cher collègue pour ta carrière et ta lutte contre tes supérieurs que tu as mené avec courage et ténacité ; et attend avec impatience ton deuxième " bouquin " sur le harcèlement moral dans la police ; harcèlement que tu as su affronter avec défense ; ce harcèlement dont certains collègue ont pu y échapper ;qu ' en se donnant la mort . UN ANCIEN dit de la grande maison de 1969 a 1999. ..9 ans de Paris et 21 de Nice . en toute amitié fraternelle pour ce métier je te salut et te dis bravo.

Et irma on en parle ....

Mon compagnon est flic en guadeloupe, et j'ai hâte de lire votre livre. Pensez vous faire une Dédicace sur le territoire